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Dans les années 1920, une société suisse d’excellence nommée Oerlikon choisit Ornans comme ville de délocalisation. Les salariés de cette société bénéficieront d’agréables logements connus sous le nom aujourd’hui des cités-jardins Oerlikon.

La société Oerlikon devenue Alstom

La société de la ville Oerlikon en Suisse, près de Zurich, installe en 1919 à Ornans ses ateliers de fabrication de moteurs de traction électrique. Ces moteurs étaient utilisés pour la Compagnie des Chemins de Fer Paris-Orléans. En ce début du 20ème siècle, elle fut la première usine française à construire des moteurs électriques pour la traction ferroviaire et reste aujourd’hui la seule en France sous le nom d’Alstom

Mais pourquoi ce choix de délocalisation ? 

Charles Olivier, ingénieux chef d’entreprise dans la clouterie, comprit très vite l’importance de la nouvelle technologie électrotechnique. Vers 1900, il construisit  à l’emplacement actuel de l’usine Alstom, sur la rive droite de la Loue, un grand atelier. Il fabriqua des moteurs électriques pour entraîner les compresseurs d’air de la ligne de métro Nord-Sud de Paris. Après avoir activement aidé à l’effort de guerre en répondant aux commandes militaires de la France lors de la première guerre mondiale, Ferdinand Olivier, son fils, est à la recherche de nouvelles demandes.

C’est alors que la compagnie ferroviaire du Paris-Orléans lance un appel d’offre international pour remplacer les trains à vapeur par des trains à traction électrique. La société Oerlikon entre en jeu en remportant le marché grâce à son avance technologique dans le domaine. Cependant, les moteurs devant être construits en France, les Suisses acceptent de délocaliser leur atelier. L’usine Olivier à Ornans constitue un point de chute idéal : proche de la frontière, doté d’une main d’œuvre qualifiée dans l’électrotechnique et desservi par une voie ferrée. D’abord locataire des ateliers Olivier, la société Oerlikon rachète les locaux en 1924 pour la somme de 900 000 francs. Un transfert de technologie a lieu, les ouvriers qualifiés et les cadres étaient suisses. 90 Helvètes résidaient alors à Ornans fondant ainsi “Le Cercle Suisse”. Au fur et à mesure, certains d’entre eux s’installèrent définitivement dans la ville et épousèrent des jeunes filles de la cité.

Ornans s’est construit au fil des années autour de ses commerces, ses maisons vigneronnes, ses grosses fermes, ses petits ateliers d’artisans et ses hôtels particuliers. L’usine consistait pour elle une opportunité de surmonter les dégâts de la guerre et l’abandon de la vigne. L’urbanisme de la ville en fut complètement bouleversé avec l’arrivée de grands chantiers en périphérie d’Ornans, d’un hall destiné à recevoir les grosses machines, des ateliers de montages et d’essais, des agrandissements de bureau et des cités-jardins. Ornans est alors devenu un véritable site industriel important et solide.

Les changements de nom

Remarquant ce marché prometteur, de nombreux groupes industriels convoitèrent la société d’Ornans. Cette dernière changea de nombreuses fois de noms mais réussit toutefois à éviter l’absorption en restant à ce jour la seule usine française à produire des moteurs de traction. 

  • 1919 :  L’atelier du Haut Olivier (appartenant à Charles Olivier) devient une filiale de la société suisse Oerlikon
  • 1972 : Oerlikon devient une filiale de la Compagnie Electro-Mécanique (CEM) sous le nom de Traction CEM Oerlikon (TCO)
  • 1984 : TCO intègre la division ferroviaire du groupe Alsthom Atlantique
  • 1989 : création de GEC Alsthom (groupe franco-britannique)
  • 1998 : mise en bourse d’Alstom (sans le “h”)

L’évolution technique des moteurs de tractions 

Outre la fabrication de moteurs de tractions ferroviaires, l’usine développa son activité en construisant des moteurs industriels, des transformateurs et des électro-aimants

Au début du 20ème siècle, la société Oerlikon équipa les ateliers et les scieries de la région de petits moteurs industriels puis construisit des moteurs industriels spéciaux de puissance élevée (de 300 à 10 000 ch.) pour les plus grands groupes industriels, la marine nationale, la pétrochimie, etc. Ainsi, elle prit entièrement part au passage des machines à vapeur (et roues à aubes sur les rivières) aux moteurs industriels mécaniques et électriques. 

Cette électrification rurale nécessita la mise en place de transformateurs. Oerlikon en fabriqua à partir de 1920, et en 1956, il fournit les puissances et tensions moyennes dont EDF avait besoin.

Dans les années 60, l’usine répond aux demandes de la recherche fondamentale en physique nucléaire en livrant au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) et aux facultés des sciences de Paris, Grenoble, Lyon, plus de 350 appareils producteurs de champ magnétique (électro-aimants). 

Peu à peu, Ornans abandonna ces différentes activités (moteurs industriels, transformateurs et électro-aimants) au profit des moteurs de traction ferroviaire uniquement. Il devint le “spécialiste traction” et fabriqua des milliers de moteurs équipant des locomotives, métros, tramways, TGV, autobus et trolleybus. Le 16 mai 1990, une rame de TGV de la SNCF établit un record mondial de vitesse de 515,3 km/h. Le constructeur de cette rame n’est autre qu’Alstom et le motoriste, l’usine d’Ornans. Alstom établit un nouveau record de vitesse le 3 avril 2007 à 574,8 km/h. Ornans est devenu un pôle d’excellence et un des leaders mondiaux de la construction des moteurs de traction, grâce à la qualité et la modernité de ses équipements industriels, la compétence de son personnel et la formidable évolution technologique des moteurs mêmes. 

Les cités-jardins Oerlikon

Des logements novateurs

En 1922, la Société Oerlikon construit pour son personnel un ensemble de logements appelés les cités-jardins sur près de 10 ha (98 745 m2). Grâce à l’architecte Henri Chamard et à l’ingénieur Monsieur Hirt, 160 logements verront le jour en seulement trois ans. Le lotissement, complètement novateur pour l’époque, était composé de 40 cités, comprenant chacune 4 habitations de 4 pièces avec cave et jardin pour les ménages, ainsi que 5 garçonnières pour les célibataires. 650 personnes environ furent accueillies dans ces cités.

Très vite, la Société immobilière de la Cité-Jardin-Oerlikon envisage la construction d’un pont reliant les cités à la route de Besançon pour que les ouvriers accèdent à leur lieu de travail sans passer par la ville. Cette passerelle privée verra le jour en 1950. La priorité sur cette voie unique était donnée au personnel Oerlikon. En 1978, elle devient une double voie lorsqu’elle est rachetée par la ville. 

De 1950 à 1965, la Société immobilière édifia encore 7 nouvelles cités (plus confortables) pour le personnel ouvrier, 6 villas et 8 pavillons pour les cadres, 85 annexes de logement principal et 71 garages individuels. Les loisirs et le temps libre prenant une plus grande place dans la société, une aire de jeux pour enfants et un terrain de tennis furent également construits. 

Sur les barrières fenêtres et les clôtures des jardins, on retrouve les initiales SO de la Société Oerlikon. 

Les cités Oerlikon aujourd’hui © Louane Mourot

L’évolution sociale de l’entreprise

L’usine formait ses propres apprentis, elle les recrutait dès la fin de la scolarité (études primaires) à partir de 13 ans. Des parrains (“anciens” de l’entreprise) les initiaient à la technique, la théorie était acquise à travers des cours par correspondance. A partir de 1927, des cours professionnels étaient donnés par M. Gauthier dans l’Atelier-Ecole Oerlikon : un échange se faisait alors entre les apprentis de l’usine qui retournaient un après-midi par semaine à l’Atelier-École et les élèves de l’école qui allaient dans le même temps à l’usine. L’Atelier-École devient officiellement en 1947 une École Technique Privée et permettait de fournir la main d’œuvre nécessaire. 

Ornans regroupa peu à peu tous les métiers concourant à la réalisation des moteurs de traction allant des ouvriers aux bureaux d’études ou bureau de recherche chargé de la conception. Des formations étaient données bien avant l’incitation de la loi comme des stages, des cours d’allemand, des cours de dessin industriel, etc. 

Ces formations ont été à l’origine d’une politique sociale parfois en avance sur son temps. Par exemple, 5 ans avant le Front Populaire et l’instauration des congés payés, le directeur général donna aux plus anciens une semaine de vacances en 1931. En 1951, le personnel bénéficie d’une retraite complémentaire avantageuse. Les enfants du personnel avaient la possibilité de partir en colonie de vacances dès la fin de la seconde guerre mondiale et les apprentis découvraient la mer avec leur moniteur. Il y a cependant eu des grèves en 1947 et 1953 qui marquèrent profondément les ouvriers.

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